La frontière Mongolie-Russie se révèle être une épreuve de patience, tant l’attente est longue en attendant la fouille du combi. Mais au bout de trois heures et après une fouille ultra-complète devant les mines désespérées d’autres voyageurs attendant de passer après nous, nous nous retrouvons libres comme l’air en territoire russe, en République de Bouriatie très exactement. Le contraste à première vue entre les deux pays est saisissant, tant au niveau de la population que du paysage nous entourant une fois sur la route. Aux collines d’herbe rase ont succédé des forêts de bouleaux sans fin, et lorsque nous arrivons dans la première ville, nous avons la surprise de côtoyer de grands blonds aux yeux bleus. Après plus de 4 mois en pays asiatiques, revoir des traits définitivement occidentaux nous laisse une impression presque étrange.
Nous roulons beaucoup ce jour-là, très impatients de découvrir le lac Baïkal, et on y parvient juste à temps pour le spectacle du coucher du soleil. Le temps en Russie nous est compté, avec nos visas de transit, aussi nous ne pouvons visiter les alentours du lac autant que nous le souhaiterions… ce qui ne nous empêche pas, le lendemain, de faire de nombreux arrêts sur la route longeant le lac pendant 300km. Une fois le lac dernière nous, on peut dire qu’on entame la transsibérienne pour de bon, avec tout ce que cela implique : des bouleaux, des bouleaux et des camions. Malgré cela, nous retrouvons un certain plaisir à rouler dans ces immensités pendant de nombreux kilomètres, bivouaquant presque en bord de route et reprenant le voyage de bonne heure les lendemains. Quand le froid et l’humidité sont trop insupportables, nous nous octroyons des nuits en motels bon marché. Nous sommes surpris par l’accueil souvent chaleureux et souriant des gens, contrairement aux idées reçues… la Sibérie est une contrée à part paraît-il, nous ne pouvons que constater l’hospitalité qui y règne.
Nous parvenons deux jours avant la fin d’expiration de notre visa aux portes du Kazakhstan, ce qui nous laisse une marge au cas où la frontière serait fermée. Le poste est bien ouvert et nous nous retrouvons au Kazakhstan assez rapidement.
Très vite, nous faisons connaissance avec la police locale, qui semble avoir bien assimilé le concept du flic corrompu. Sur les quatre jours que nous passons sur les routes kazakhes, nous nous faisons arrêter cinq fois par des policiers en voiture de service. Nous ne comptons pas les fois où nous faisons mine d’observer un bel oiseau dans le ciel pour ignorer leurs injonctions d’arrêt. Quand nous nous arrêtons par manque de choix, le schéma est toujours le même : une ligne blanche continue imaginaire, un phare défectueux, un excès de vitesse (bien sur estimé à vue d’œil), une menace d’amende exorbitante et puis une cordiale invitation à aller discuter dans leur voiture. Jamais nous ne cédons, et nous développons tout un art des joyeux imbéciles qui ne comprennent rien, surtout pas le russe et encore moins l’anglais. Quand ils sortent le google translate, notre meilleure parade est : « je parrrl’ walloon ». Inratable.
A Astana, la capitale, nous restons trois jours et découvrons une capitale toute neuve, avec des bâtiments tous plus étincelants les uns que les autres et d’un luxe aux antipodes du reste du pays. En séjournant au Nomad 4×4 Hostel, nous faisons la connaissance de Kanat, le propriétaire, lui-même voyageur à ses heures perdues, qui nous donne un bon coup de main pour dénicher de l’huile de bonne qualité pour notre moteur.
Bien équipés, nous quittons Astana, direction l’ouest et la Russie à nouveau. La route est un peu monotone, heureusement qu’il y a les chiens de prairies pour nous divertir. On s’amuse à les repérer, petites boules de poils beiges sur fond de steppe couleur ocre. En franchissant à nouveau la frontière russe, nous entamons la seconde partie de notre visa de transit. Le compte à rebours des dix jours commence. La neige est toujours au rendez-vous alors que nous escaladons les modestes altitudes de l’Oural. La première journée de route est particulièrement éprouvante, énormément de camions sur la route et une petite casse au niveau du tambour, mais le soir venu nous dénichons une auberge au milieu des bois, tout droit sortie d’une carte postale, où nous nous reposons bien après cette éprouvante journée. Nous repartons le lendemain requinqués, prêts à avaler les kilomètres, et on arrive à Moscou deux jours plus tard.
Grâce à un appartement prêté par un proche à deux pas de la Place Rouge, nous profitons pleinement de notre séjour pour visiter la ville, le Kremlin, la Place Rouge, les galleries luxueuses du GoUm, le métro digne d’un musée, le marché aux puces… alors que nous cherchons l’appartement, un gardien de parking s’adresse à nous en montrant le van :
« Hey guys, are you hippies ?? »
« …No…not really… » lui répond-on, mi-amusés, mi-perplexes. Est-ce qu’on ressemble à des hippies ?
Nous roulons ensuite jusque Saint-Pétersbourg, à 700km de Moscou. La ville est un véritable coup de cœur : de l’Ermitage, l’immense palais à la surprenante couleur pistache à l’ancien cabinet de curiosité du tsar Pierre Le Grand, nous déambulons dans les rues entrecoupées de canaux pendant une journée entière, avec l’impression d’avoir fait un bond en arrière dans le temps. Nous en profitons d’autant plus que ce sera notre dernière étape en territoire non-européen. Le lendemain, du pont du Princess Anastasia, où nous avons embarqué un peu plus tôt avec le van, nous regardons s’éloigner les côtes russes. Avec l’impression de vivre en miroir ce que nous avons vécu au début du voyage, en quittant la Belgique à bord du Grande Amburgo. Cette fois, nous revenons en Europe par la Suède… La fin de notre voyage est proche, mais la boucle n’est pas encore tout à fait bouclée, et la route, nous en sommes sûrs, nous réserve encore quelques surprises !