Suite à notre matinée quelque peu éprouvante (voir nos aventures péruviennes), nous appréhendons le passage de la frontière équatorienne, car les formalités peuvent parfois s’avérer longues et fastidieuses, et la journée est déjà bien avancée. Mais pour la première fois depuis le début du voyage, nous arrivons à un poste douanier perdu au milieu de nulle part. Entre des champs de bananiers et la jungle, on est loin de la frénésie et de la cohue des villes frontalières, et du côté des douaniers on sent l’ambiance beaucoup plus décontractée. Ça parle foot (énumérant des joueurs de foot belges que nous ne connaissons même pas, c’est dire s’ils sont calés!) et autres rencontres de voyageurs. « On en a même eu un qui faisait le tour du monde en âne, pas plus tard qu’il y a un mois ! » Le ton est donné. Coté équatorien, on nous invite gentiment à aller nous restaurer au boui-boui un peu plus loin, parce que c’est l’almuerzo (comprendre, pause midi) et qu’il n’y aura personne pour s’occuper de nous avant une bonne demie heure. Nous obtempérons, et nous nous retrouvons bientôt attablés à côté des douaniers prenant leur pause déjeuner. Une heure plus tard, nous sommes assis dans un bureau aménagé dans un container face à un des douaniers qui répète nos noms et prénoms en boucle comme une incantation comique. S’ensuivent les formalités d’importation temporaire pour le combi, qui se passent dans le container d’à côté. Le fonctionnaire est tout aussi sympathique et encore plus volubile. Nous ressortons du bureau une heure et demie plus tard, avec quelques notions d’espagnol en plus et un plan touristique du pays en main.
La première étape que nous avons planifiée est un parc naturel situé non-loin de la frontière, mais nous n’y parvenons finalement qu’en fin de journée à cause d’une route sinueuse et endommagée par des écoulements de boue. Nous passons la nuit à l’entrée du parc, entourés de lucioles et du bruit presque assourdissant de la jungle nous environnant. Le lendemain, nous visitons le Bosque Petrificado, l’une des plus importante réserve de bois fossilisé au monde. Reprenant la route en début d’après-midi, nous faisons un bout de chemin sur une route bordée de bananiers et de cacaotiers. Le jour suivant, nous visitons Guayaquil, une grande cité au port fluvial, qui nous étonne par sa propreté et sa modernité. Cependant, la modernité a un prix et nous le constatons à nos dépens en payant une addition exorbitante pour deux petites ceviches. Nous sommes toutefois consolés par l’apparition d’un énorme iguane à deux pas de notre table, au bord du fleuve. Nous terminons notre ballade citadine et poursuivons notre route vers la côte, destination Puerto Lopez. Là nous attend une excursion sur l’Isla de la Plata, dite « les Galapagos du pauvre ». Une fois arrivés le lendemain à Puerto Lopez, nous décidons de continuer un petit peu plus loin, car la ville ne nous plait pas plus que ça, et nous débarquons une vingtaine de kilomètres plus loin à Puerto Cayo, petite bourgade de pêcheurs. La vue est digne d’une carte postale, avec ses petites paillotes sur la plage, ses cocotiers et ses surfeurs qui jouent avec les vagues. Pour passer la nuit, nous jetons notre dévolu sur un domaine oscillant entre le camping, le gîte et le jardin botanique. L’endroit est tel que nous décidons d’emblée d’y passer deux nuits, afin de pouvoir profiter de la plage mais aussi d’éditer un article pour le blog. Le deuxième jour, nous avons la bonne surprise de découvrir Catherine et David, alias tourdumondeensidecar.com devant le portail du domaine/jardin botanique/camping. En effet, cela fait plusieurs semaines que nous nous échangeons des messages pour essayer de nous croiser, en vain. De fil en aiguille et de bière en bière nous passons deux jours à refaire le monde, le tout, à la belge !
Au matin du quatrième jour, nous nous levons de bonne heure et nous disons au revoir aux baroudeurs, qui reprennent la route de leur côté, et nous nous rendons à Puerto Lopez afin d’embarquer sur un bateau à destination de L’Isla de la Plata. Lors de l’heure et demie que dure la traversée, nous guettons les flots, croisant les doigts pour avoir la chance d’apercevoir une baleine. Il s’agit en effet de leur période de migration dans ces régions du Pacifique, et les chances sont grandes que nous en croisions une ! Mais pour l’heure, nous arrivons en vue de l’île sans en avoir aperçue. Nous contournons ce petit bout de terre qui doit son nom au trésor qui y aurait été enterré par le pirate Francis Drake, et nous parvenons à une petite crique où nage une bande de tortues vertes. Nous accostons ensuite à l’endroit où démarre l’excursion. En Equateur, la loi veut que les visites de parcs nationaux se passent toujours en compagnie d’un guide officiel, et au cours des trois heures suivantes nous en apprenons beaucoup sur la faune et la flore de l’île. Coté faune, nous avons la chance d’admirer une espèce d’oiseaux étranges, les fous à pattes bleues, en pleine parade nuptiale. Nous pouvons les admirer de très près, et sommes fascinés par la singularité de leur anatomie, avec leurs pattes bleu ciel et leur long bec qui ressemble à un poignard tellement il est pointu. Après une marche de deux heures sous un soleil brûlant, nous retournons au bateau et rejoignons une autre crique aux eaux d’un bleu profond. C’est là que nous passons le reste de l’après-midi, masque et tuba vissés sur nos têtes, à admirer la myriade de poissons colorés qui évoluent sous nos yeux émerveillés. Lors du trajet de retour, alors que le bateau file sous un ciel ayant viré au gris orageux, nous apercevons ce que nous n’osions plus trop espérer : des baleines ! Elles sont deux et nagent non loin du bateau, dont le moteur a entretemps été coupé pour ne pas les effrayer. Les quelques minutes suivantes se passent dans un silence profond, tout absorbés que nous sommes dans la contemplation de ces êtres majestueux. Elles s’éloignent lentement, et le bateau reprend sa navigation. Une fois à terre nous rentrons à Puerto Cayo pour une dernière nuit sur la côte. Le lendemain, nous partons de bonne heure, mettant le cap sur l’intérieur des terres. Back to the mountains ! En quelques heures à peine le climat change du tout au tout. On passe de la chaleur étouffante à une fraîcheur humide, tandis que la végétation nous environnant reste dense et tropicale. L’ascension se fait progressivement, et nous rentrons peu à peu dans un brouillard épais formé par les nuages qui semblent s’accrocher aux flancs des montagnes. Evoluer sur cette route sinueuse avec une visibilité quasi nulle ne se fait pas sans mal. En fin d’après midi nous arrivons au sommet, et peu à peu nous sortons du nuage comme on sort d’un long tunnel. Sous la lumière dorée du soleil, nous roulons de petit village en petit village, avec à notre gauche en contrebas, un tapis de nuage qui s’étend à perte de vue. Nous passons la nuit à Zumbahua, et le lendemain nous profitons du marché pour nous ravitailler. L’occasion pour nous d’expérimenter des marchandages assez…cocasses. Nous nous prêtons au jeu de bon cœur, même si nous devons parfois renoncer à certains produits face à des prix absurdes (phénomène assez courant quand on a une tête de gringo). Nous poursuivons notre route vers le Parc National de Cotopaxi, que nous atteignons en fin de matinée. La météo, bien que capricieuse, nous laisse parfois entrapercevoir le volcan qui domine le parc. Une fois le camp établi sous un bosquet de pins, nous partons en randonnée pour le reste de la journée, ne nous arrêtant que pour piqueniquer aux abords d’une petite lagune. Le soir nous nous réchauffons avec une soupe de nouilles, notre repas fétiche en cas de froid intense et de flemme établie. Le son de grosses gouttes sur le toit du van nous réveille lendemain matin, non pas dues à la pluie, mais à l’humidité qui se condense et tombe des arbres. En sortant de notre nid, nous constatons que nous sommes littéralement en plein dans un nuage.
Notre prochaine étape, Quito, est située à moins de cent kilomètres, et nous y parvenons dans le courant de la matinée. Le temps est à nouveau au beau fixe, et c’est sous un ciel d’un bleu éclatant que nous visitons la ville animée, alternant entre rues aux édifices coloniaux, musées et églises magnifiques. Du sommet de la basilique de Quito nous admirons l’ensemble de la ville, qui s’étend dans un creux entre deux chaines de montagnes.
L’après-midi, nous faisons un festin de chocolat dans un petit salon de dégustation après avoir visité le musée du cacao. Après deux gâteaux au chocolat, un chocolat chaud et un chocolat glacé, tous plus intenses en goût les uns que les autres, nous traînons péniblement nos estomacs remplis le long des rues pavées, jusqu’à la Plaza de la Independencia, où nous nous affalons sur les marches. Cette place, ironiquement surnommée la « place des pigeons morts » par la jeunesse locale à cause du nombre élevé de personnes âgées la fréquentant (sympa !) grouille de monde, entre les touristes, les vendeurs de glaces, de journaux, les groupes jouant de la musique, et effectivement, une majorité de personnes âgées qui contemple toute cette agitation, impassibles sur leur banc à l’ombre. Clou du spectacle, un prêcheur en costume un peu trop grand harangue la foule, bible à la main, à grand renfort de moulinets de bras et de ferventes lectures de psaumes. A l’instar des anciens, nous contemplons tout ce petit monde jusqu’à ce que nous ayons un peu digéré l’orgie de chocolat, et puis reprenons notre promenade. Le soir, nous sautons le repas et allons nous coucher de bonne heure. Le lendemain, nous allons faire un tour du côté du monument el Mitad del Mundo, qui marque l’emplacement du passage de la ligne équatoriale. Après quelques photos cocasses et un petit message sur notre balise pour signaler que nous sommes repassés dans l’hémisphère nord (cela nous paraît déjà loin, le jour où nous avions franchi l’équateur en sens inverse en mer !), nous reprenons la route. Nous approchons tout doucement de la fin de notre traversée de l’Equateur. On passe la nuit suivante au pied du volcan Imbabura et au bord du lac qui s’étend à ses pieds. Des gamins à vélo viennent se joindre à nous alors que nous préparons à manger, intrigués par notre petit stove qui sert à la fois de cuisinière et de chargeur pour téléphones. Ils écarquillent les yeux quand on leur dit venir de Belgique, « cerca de Francia y de Alemania » (on a pris l’habitude de dire ça, face aux mines interloquées quand on dit où on vient). Notre petit pays nous semble parfois bien loin…
Le matin suivant nous traversons une succession de villes et villages aux maisons blanchies à la chaux, sur une route sinueuse qui nous mène en début d’après-midi à la frontière colombienne. Malgré les avertissements que nous avons lus quant à l’extrême longueur des formalités propre à cette frontière, nous tentons notre chance, et bien nous en prend. Après deux heures seulement, nous disons adieu à l’Equateur, et franchissons la frontière…à nous la Colombie !
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